Je n'avais jamais eu de chambre à moi Ni seulement L'un de ces lits où - dit-on - l'on se noie dans Des draps blancs Je n'avais jamais eu que des divans Des lits étroits Que des couches où l'on dort comme en plein vent Et où l'on a froid Enfant, j'ai toujours appris mes leçons Fait mes devoirs Dans la salle à manger où, grand garçon Soir après soir J'ai fait mon lit dans un angle du mur Où j'ai rêvé A toutes les couleurs de l'aventure Comme à la tévé Puis j'ai retenu mon souffle en rentrant Après minuit Pour ne pas alerter mes chers parents De mes ennuis Ils devaient pour travailler se lever Avant le jour Et auraient bien sûr jugé dépravées Mes pauvres amours J'errais alors dans les tristes banlieues Où l'on attend Rien Et où l'on marche des lieues et des lieues En espérant Qu'un Geste ou qu'un regard bouleversera La petite Vie Que les parents ont mené là Sans en avoir vraiment envie C'est dans des draps blancs que tout commence Et que tout finit Beaux draps repassés de l'existence Aux plis bien jaunis Jamais vraiment tirés de l'armoire Des nuits sans envie Draps secs, draps vierges et draps-mémoire De bien trop mornes vies Malheur à toi, toi qui voulais mieux Que vivre à demi Faire de tous tes jours des fêtes-dieu Aux riches semis Sur tes draps aux couleurs de lilas De fleurs pourpres en lourds entrelacs Brassées de pavots au coeur grenat D'oeillets noirs et de trèfles incarnats Bouquets de sauge et de datura Roses roses et roses baccarat Liées dans leur parfum scélérat Purulent opéra J'ai trop connu de ces draps élimés Avant leur temps Tristes draps d'hôtel où sont imprimées Des fleurs des champs Simples comme celles des cloisons Comme bonjour Qui ont fait dépérir de leur poison Tant et tant d'amours C'est dans ces fleurs décolorées que j'ai Pu modérer Mes belles ardeurs et mes grands projets Que j'ai serré Quelques corps, quelques coeurs qui mont appris A me guérir De ces erreurs meublant mon bel esprit Jusqu'à en mourir Mais c'est là qu'un jour entre ces deux draps De nylon sec Toi que je n'attendrais plus tu viendras Et tout avec Avec ces riens qui font un roi du pire Nécessiteux Et l'amour instaurera son empire Dans mes draps douteux Riant, nous irons tous les deux choisir La première Paire De draps blancs qui seront nos désirs Voiles sur la Mer Voilure de navire, voilage de noces Et parfumés Tels que la toile de fil d'Ecosse De la sainte nappe de l'autel C'est dans des draps blancs que tout commence Et que tout finit Je n'aurais pas su saisir ma chance Saisir l'ironie De ce sort qui commande ce soir Comme une anarchie Des draps blancs maculés de noir En un sanglant gâchis Malheur à toi qui voulais mieux Que vivre à demi Faire de tous tes jours des fêtes-dieu Aux riches semis Sur tes draps aux couleurs de lilas De fleurs pourpres en lourds entrelacs Brassées de pavot au coeur grenat D'oeillets noirs et de trèfle incarnats Bouquet de sauge et de datura Roses roses et roses baccarat Liées dans leur parfum scélérat Purulent opéra