Par un frisson léger et presque imperceptible Le corps ressent soudain comme un mal ignoré Qui le ronge et le rend vulnérable et sensible Au charme d'une voix ou d'un nom évoqué, murmuré Puis viennent les envies, les chaleurs, les vertiges Les raisons d'espérer et celles d'avoir mal Les besoins de tendresse enfin qui nous obligent À trouver merveilleux ce qui n'est que banal Aimer plus que soi-même Aimer sans réfléchir Aimer plus qu'on nous aime Pour mieux se plaindre et mieux souffrir Le cur n'est qu'un organe étranger à ces choses Qui ne bat ni plus fort ni plus vite, et pourtant On lui offre une action, on lui donne une prose Et Dieu seul sait pourquoi on le jette en avant, en tremblant L'amour vient-il des yeux, de la peau ou du ventre ? Pour le localiser, c'est difficile en soi C'est comme un tourbillon dont on se veut le centre Et on parle de lui pour mieux parler de soi Aimer plus que soi-même Aimer sans réfléchir Aimer plus qu'on nous aime Pour mieux se plaindre et mieux souffrir Et bien que tous nos gestes au fond restent les mêmes On les veut singulier, on les croit différents On se sent libre enfin de n'avoir qu'un problème Que d'aucuns qualifient de simple mal de dent d'un moment Entre nous, l'être aimé n'a que ce qu'on lui prête La grâce qu'on lui loue, la beauté qu'on lui crée Ses formes modelées par nos pensées secrètes Deviennent uvre d'art qu'un subconscient a fait Aimer plus que soi-même Aimer sans réfléchir Aimer plus qu'on nous aime Pour mieux se plaindre et mieux souffrir