Dans Paris tout bleu, sous la lune, un soir de juin Elle marchait en somnambule, les yeux lointains Mais ni Paris bleu ni la lune n'existaient pour elle, ce soir- là Chagrin d'amour ou peur de vivre ? Elle avait seize ans Lui, il flânait en solitaire, le gros Lulu Un peu rond et la cinquantaine peut-être plus Il serait passé sans rien dire mais quelque chose l'arrêta Ce désespoir à la dérive, il l'aborda Devant son air triste, il parla, des mots gentils Elle ne l'écouta même pas mais le suivit Elle aurait bien suivi le diable, alors pourquoi pas celui-là Elle lui trouva l'air d'un bon diable, il l'amena L'avait une maison de riche, le gros Lulu Il y amena cette biche aux yeux perdus Elle ne raconta pas sa vie, il ne la lui demanda pas Mais comme on fait pour une reine, il l'installa Pour la guérir, il l'entoura de mille soins Il cueillit les plus belles roses de son jardin Pour lui redonner des sourires, il devint poète et ami Il inventa des tours de pitre, elle sourit Mais les bourgeois et les duchesses, les relations À leur façon chuchotèrent dans les salons Elles avaient beau dire et médire, le gros Lulu, il savait bien Que même en rêve il ne posa jamais la main Jamais la main sur sa princesse qu'avait seize ans Et ceux qui étaient un peu plus sages ou moins méchants Se demandaient "Qu'est-ce qui brille chez le gros Lulu transformé Et qu'est-ce qui lie donc cette biche à ce sanglier ?" À seize ans, les désespoirs passent et simplement Elle le quitta sans un mot de remerciement Lui, il ne la crut pas ingrate, les mots ça sert peu, voyez-vous Dans un sourire ils se quittèrent et voilà tout Il y perdait comme sa vie, le gros Lulu Mais c'est après son départ qu'il s'en aperçut Elle, elle y gagna une chose comme un talisman et bien plus Pouvoir penser, quand tout est moche, au gros Lulu