On va dire que j'exagère Mais j' connais des étagères Qui se prennent pour des gens Tout bien rangé dans la tête Tout bien muni d'étiquettes Mon Dieu, que c'est dérangeant ! Quand ils sont à leur ouvrage Il faudrait un grand courage Pour leur parler sentiment Dès qu'ils ont baissé la herse Bien malin qui la traverse Ou plutôt bien imprudent Chez moi, c'est tout différent Tout s' mélange, tout s' mélange Quand j'ai peur, il faut qu' je mange Quand j'ai soif, j'suis en amour J'ai des sensations étranges Des noirceurs dans mes oranges Du venin dans mes velours Bien sûr que je les admire On ne me fera pas dire Ce que j'ai l'air de penser Mais là, nous avons affaire Au choc de deux hémisphères À deux mondes opposés Moi, j' ressemble davantage Aux épiceries de village Qui offraient sur leurs rayons Du fil, des harengs, des poires, Des cornichons, des histoires, Des tue-mouches, des crayons Même pas en rangs d'oignons Tout s' mélange, tout s' mélange Quand j' déprime, il faut qu'je range Quand ça va, je reste au lit Mes réactions s'interchangent Quand on m'aime, je me venge On me déteste, je ris Pourtant l'envie me tenaille D'aller flanquer la pagaille Dans leur monde bien rangé Il se peut que je fracture Le placard à confitures Où leur cœur est encagé Et si, comme je le suppose, On m'envoyait sur les roses Je les cueillerais pardi ! Mais si on me fait risette Il se peut que je permette Que l'on range mon fourbi Et bravo qui réussit Tout s' mélange, tout s' mélange J'ai les plumes d'un archange Et les serres d'un vautour Pardon si ça vous dérange C'est trop tard pour que ça change Tout s' mélangera toujours Tout s' mélange, tout s' mélange J'ai des rêves sous la frange Et des mots de tous les jours Quant à moi, je m'en arrange Tout s' mélange, tout s' mélange Et s' mélangera toujours