Quand tu partis, quand Tu levas le camp Pour suivre les pas De ton vieux nabab, De peur qu' je n' sois triste, Tu allas chez l' fleuriste Quérir un' fleur bleue, Un petit bouquet d'adieu, Bouquet d'artifice ; Un myosotis, En disant tout bas Ne m'oubliez pas. Afin d'avoir l'heur' De parler de toi, J'appris à la fleur Le langag' françois. Sitôt qu'elles causent Paraît que les roses Murmurent toujours Trois ou quatre mots d'amour. Les myosotis Eux autres vous dis'nt, Vous disent tout bas : Ne m'oubliez pas. Les temps ont passé. D'autres fiancées, Parole d'honneur, M'offrir'nt le bonheur. Dès qu'une bergère Me devenait chère, Sortant de son pot Se dressant sur ses ergots Le myosotis Braillait comme dix Pour dire "Hé là-bas, Ne m'oubliez pas." Un jour Dieu sait quand, Je lèv'rai le camp, Je m'envol'rai vers Le ciel ou l'enfer. Que mes légataires, Mes testamentaires, Aient l'extrême bonté, Sur mon ventre de planter Ce sera justic' Le myosotis Qui dira tout bas : Ne m'oubliez pas. Si tu vis encor', Petite pécor', Un d' ces quat' jeudis, Viens si l'cur t'en dit Au dernier asile De cet imbécile Qui a gâché son cur, Au nom d'une simple fleur. Y a neuf chanc's sur dix Qu' le myosotis Te dise tout bas : Ne m'oubliez pas