Monsieur le Président, je vous fais une lettre, que vous lirez peut-être, si vous avez le temps. Je viens de recevoir mes papiers militaires pour partir à la guerre avant mercredi soir. Monsieur le Président je ne veux pas le faire, je ne suis pas sur terre pour tuer de pauvres gens. C'est pas pour vous fâcher, il faut que je vous dise, ma décision est prise, je m'en vais déserter. Depuis que je suis né, j'ai vu mourir mon père, j'ai vu partir mes frères, et pleurer mes enfants. Ma mère a tant souffert, qu'elle est dedans sa tombe, et se moque des bombes, et se moque des vers. Quand j'étais prisonnier on m'a volé ma femme, on m'a volé mon âme, et tout mon cher passé. Demain de bon matin, je fermerai ma porte au nez des années mortes j'irai sur les chemins. Je mendierai ma vie, sur les routes de France, de Bretagne en Provence, et je crierai aux gens: refusez d'obéir, refusez de la faire, n'allez pas à la guerre, refusez de partir. S'il faut donner son sang, allez donner le vôtre, vous êtes bon apôtre, monsieur le Président. Si vous me poursuivez prévenez vos gendarmes que je n'aurai pas d'armes et qu'ils pourront tirer.