Elle attend devant la caserne De l'aube aux derniers feux du jour. Parfois le drapeau est en berne Mais jamais, jamais son amour. Elle guette un regard, un souffle, Un pas, un geste, une ombre, un rien Mais ne croyez pas qu'elle souffre : Elle l'aime, il vit, tout va bien Et tout ce brouillard dans sa tête Le soir a des parfums lilas Le sergent de garde répète : "Non, le lieutenant n'est pas là !" Mais ce lieutenant, elle l'aime Du fond de son rêve indigo, Plus qu'elle, plus que son père même, Elle s'appelle Adèle Hugo Et toi, devant la mer profonde, Toi, poète et proscrit, tu sais Qu'il existe, hélas, dans ce monde D'autres exils que Guernesey. Et toi, le rêveur solitaire, Tu vois de ton regard géant Qu'il existe, hélas, sur la Terre D'autres gouffres que l'océan Elle a oublié la rancune Et l'amertume et le devoir. Elle n'est plus jamais quelqu'une Que pour parfois, l'apercevoir. Elle est une petite chose Qui s'est tout abîmée en lui. Une lente métamorphose Fait d'elle un papillon de nuit. Et toi, devant la mer profonde, Toi, poète et proscrit, tu sais Qu'il existe, hélas, dans ce monde D'autres exils que Guernesey. Et toi, le vieux prophète triste, Qui as combattu l'échafaud, Tu sens bien, hélas, qu'il existe D'autres morts que celle à la faux D'autres morts que celle à la faux !